Déclaration de la société civile 2010

Déclaration de la société civile présentée à la Commission du Développement Socialdes Nations Unies le 3 février 2010

La déclaration de la société civile qui a été présentée le 3 février 2010, au début de la rencontre de la Commission du développement social, est un bon exemple du travail du Comité ONG du développement social. Le texte de la Déclaration a été finalisé lors du Forum de la société civile le 2 février et vous trouverez le texte ci-dessous. 

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48ème session de la Commission sur le Développement social
COPENHAGUE +15 : PARVENIR À UNE SOCIÉTÉ POUR TOUS
Déclaration du Forum de la Société Civile

 

Une société pour tous

Il y a quinze ans, les dirigeants du monde signaient la Déclaration de Copenhague, s’engageant à « promouvoir l’intégration sociale en encourageant des sociétés stables, sûres et justes, fondées sur le respect et la défense de tous les droits de l'homme ainsi que sur la non-discrimination, la tolérance, le respect de la diversité, l'égalité des chances, la solidarité, la sécurité et la participation de tous » et à « assurer la protection et l'intégration complète dans l’économie et la société des groupes et des individus défavorisés et vulnérables ». 1

Depuis cette Déclaration, nous n’avons cessé de prendre conscience de notre interdépendance et de notre besoin les uns des autres. Les décisions et l’inertie d’une partie ou d’une autre de notre communauté mondiale ont un impact sur l’ensemble de celle-ci. Aujourd’hui, de plus en plus de problématiques sont devenues planétaires, au delà de la portée des gouvernements nationaux. Ceci nous oblige tous à reconnaître les responsabilités que nous endossons les uns pour les autres et à chercher ensemble des solutions d’insertion.

Une vision partagée d’un futur commun

Nous nous attachons à travailler pour une société équitable et partagée, telle que le Club de Madrid, une organisation d’anciens chefs d’état, l’a définie : « Une société partagée est une société d’insertion2 et de cohésion sociale. Elle est stable et sûre. C’est une société dans laquelle tous ceux qui y vivent s’y sentent chez eux. Elle respecte la dignité de chacun et les droits de l’homme tout en assurant à chaque individu le principe de non-discrimination. Elle est tolérante. Elle respecte la diversité ». Une telle société encourage la participation de tous, y compris des groupes et individus défavorisés et vulnérables. 

Notre vision du futur est elle d’une société juste sur le plan social, durable, humaine, et respectueuse de chaque être humain et de l’environnement. Une telle société s’engage pour le bien commun, respecte les valeurs culturelles et les institutions sociales et encourage une solidarité qui mène à l’insertion sociale. 

Les membres d’une société favorisant l’insertion s’engagent dans « un processus de promotion des valeurs, des liens et des institutions qui permettent à tous de participer à la vie sociale, économique et politique, en se fondant sur les principes d’égalité des droits, de justice et de dignité ».3

Une société mondiale en crise

Les conséquences de l’exclusion sociale se manifestent souvent de manière spectaculaire lorsqu’une communauté fait face à une crise. Nous avons constaté que le climat mondial et la crise économique et financière ont tous deux mis en lumière l’impact des politiques d’exclusion et exercé une influence négative subite, large et bien souvent dévastatrice sur la capacité d’intégration des sociétés.

Aujourd’hui, le monde est confronté à la pire crise économique et financière depuis la Grande Dépression des années 1920-1930. La crise, qui continue de prendre de l’ampleur, a débuté au sein des plus grands centres financiers de la planète et s’est étendue à l’ensemble de l’économie mondiale provoquant de sévères conséquences sociales, politiques, économiques et psychologiques. Même si tous les pays souffrent de la crise, ce sont les plus vulnérables des pays en voie de développement qui sont les plus sévèrement touchés. Cette crise souligne les fragilités et les déséquilibres à long terme du système.

Tensions sociales accrues, criminalité et violence se manifestent dans les communautés à travers le monde. Les inégalités économiques, sociales et politiques croissent et le fossé entre nantis et démunis se creuse. Ces phénomènes sont avérés aux niveaux régional, national et international. 

Bien que la mondialisation ait créé des opportunités de croissance économique et de développement, elle a également entraîné de nouveaux risques et inégalités. La marginalisation encore plus poussée de certains groupes sociaux, peuples indigènes et de nations entières a eu pour conséquence une augmentation générale de la pauvreté mondiale. Prises dans leur globalité, les politiques macroéconomiques ont maintenu les inégalités entre les sexes4, fait obstacle à l’autonomie économique de beaucoup d’états, et exacerbé la misère des populations vivant dans la pauvreté. Ce dont nous avons besoin, c’est d’une « économie de solidarité ». 

Climate change is the most significant challenge the world faces today. The climate crisis and its multiple manifestations exacerbate social inequalities, contribute to the maintenance of social exclusion, and serve as obstacles to achieving socially inclusive and cohesive societies. 

Il se pourrait bien que le réchauffement climatique soit le défi le plus crucial auquel le monde est confronté aujourd’hui. Le changement climatique et ses multiples manifestations exacerbent les inégalités sociales, contribuent au maintien de l’exclusion sociale et font obstacle à l’émergence de sociétés ouvertes à l’insertion et à la cohésion. 

Les inégalités engendrent de mauvaises conditions de santé, un manque d’eau et d’hygiène, des conditions de vie dangereuses et indécentes, ainsi qu’une instabilité politique. Elles freinent le développement et l’aptitude des nations à être plus justes et ouvertes. Le changement climatique vient s’ajouter à ces éléments néfastes au développement en impactant à son tour le rythme et la qualité de ce dernier. La migration forcée et l’insécurité générale entre les peuples, qui manquent de choix dans leur lutte pour subvenir à leurs besoins primaires, font partie des effets du réchauffement climatique.

Ces deux crises ont eu de multiples conséquences négatives sur l’aptitude des communautés et des pays à établir des sociétés favorisant réellement l’insertion. Lorsque les décisions ne sont prises qu’en considération d’un nombre restreint de problèmes et par un nombre réduit d’acteurs, les résultats sont souvent injustes et inadaptés. Il en résulte que certaines personnes sont exclues des prises de décision, mais pas de leurs conséquences. Un juste rétablissement de la situation mondiale, un futur durable et un réel développement social nécessitent la participation de tous à l’élaboration de réponses appropriées aux crises de notre temps.

Une Société pour Tous

En tant que membres d’ONG prestataires de services directs, la longue et vaste expérience de nos collaborateurs travaillant avec des individus sur le terrain a montré qu’aucune solution ne fonctionnera si elle n’est pas fondée sur l’équité. L’équité est avant tout une affaire de justice et de droits de l’Homme. Étant donné les situations matérielles, sociales et économiques inégales des membres des différentes sociétés, tous doivent accepter leur responsabilité commune mais différenciée pour réagir au niveau local, régional et national. 

L’autonomisation des individus à travers la participation active dans les décisions sociales, économiques et politiques qui touchent leurs communautés, fait partie intégrante de la promotion de l’insertion sociale. Les Organisations de la Société civile et les gouvernements au niveau local, régional, national et international devraient profiter de chaque opportunité pour impliquer pleinement leurs électeurs dans la conception, la mise en œuvre et l’évaluation des politiques et des programmes qui ont des répercussions sur leurs vies. Chaque individu a le pouvoir de contribuer à la construction de sa société et d’être l’acteur de son propre développement.

L’autonomisation, en particulier des plus marginalisés et des plus exclus, est essentielle à l’intégration sociale et à la construction de sociétés qui rassemblent, sont équitables, participatives et durables. Les plans d’action et les programmes pour promouvoir l’autonomie sociale, économique, politique et légale ont la capacité non seulement de créer des sociétés qui intègrent plus qu’elles n’excluent mais aussi de s’attaquer à quelques-uns des problèmes les plus complexes de la société parmi lesquels on trouve la pauvreté, les discriminations raciales, sexuelles, liées au handicap ou à la classe sociale, l’éclatement des familles, le climat, la criminalité et la violence, les migrations forcées, le trafic d’êtres humains. La plupart de ces problèmes sont souvent des produits dérivés des inégalités et de l’aggravation des tensions dans la vie sociale, économique et politique. 

De nombreuses personnes, et tout particulièrement celles vivant dans la pauvreté, sont exclues de la société parce qu’elles ignorent leurs droits ou sont sans-papiers. Certaines personnes ne sont pas conscientes du caractère inégalitaire des structures hiérarchiques et patriarcales de leurs sociétés. Apporter à ceux vivant dans la pauvreté une formation sur leurs droits, sur la protection juridique et leur fournir l’accès aux réseaux de protection sociale peut leur donner la capacité d’être des membres à part entière de la société civile. De plus, l’éducation leur donne les outils pour qu’ils ouvrent les yeux sur la réalité sociale et qu’ils soient davantage en mesure d’influer sur les pratiques discriminatoires ou néfastes ancrées dans leur culture.

Le Comité ONG sur le Développement social a mené une étude sur les pratiques efficaces d’inclusion sociale parmi leurs réseaux à travers le monde. Le comité a reçu 193 réponses d’Organisations de la Société civile, provenant de 62 pays. Sont présentés ci-dessous trois exemples concrets de pratiques efficaces qui permettent de bâtir des sociétés d’insertion et offrent la promesse d’atteindre les objectifs énoncés clairement dans la déclaration de Copenhague et le Programme d’Action. Ces exemples, ainsi que beaucoup d’autres, démontrent que l’insertion sociale est un objectif souhaitable et réalisable que les ONG à travers le monde atteignent au quotidien.

    1) En Thaïlande, une ONG chrétienne a vu les enfants de familles musulmanes à la frontière entre la Thaïlande et la Birmanie récupérer les ordures et mendier dans la rue pour subvenir aux besoins de leurs familles. Sachant que l’éducation est cruciale pour l’autonomisation et l’insertion sociale, les membres de cette ONG ont commencé à instruire les enfants puis ont porté assistance aux membres de la famille qui étaient malades. A mesure que les membres de l’ONG s’intégraient de plus en plus dans la communauté, les mères de famille ont commencé à s’organiser et ont mis en place un espace pour les cours à destination à la fois des enfants et des adultes, dont beaucoup sont illettrés. Des cours d’enseignement général, des cours de lettres, des cours relatifs à la santé, ainsi que l’apprentissage des droits de l’Homme et une formation au droit du travail ont aidé les anciens parias à forger des liens de solidarité avec les autres groupes marginalisés et leur a offert les outils pour construire une société meilleure et un meilleur avenir.
    2) Dans l’Etat du Kérala, en Inde, un grand nombre de Réseaux Communautaires de Voisinage ont été fondés au cours de ces 30 dernières années. Environ 184 000 groupes de voisinage de femmes vivant dans la pauvreté sont actifs, ce qui a permis à ceux vivant dans la pauvreté de se faire entendre de façon efficace et permanente au sein de la structure de leur société locale. Décider et travailler ensemble à l’éradication de la pauvreté a aidé ces femmes à transcender la façon de penser l’ « intouchabilité » véhiculée par le système de caste. Avec le succès des parlements des adultes, les parlements des enfants ont aussi commencé à se constituer en nombre croissant, ce qui annonce un avenir radieux pour les communautés engagées dans l’amélioration de la qualité de vie pour tous.
    3) En Bolivie, une ONG dont les membres vivent avec ceux qui connaissent des conditions de pauvreté extrême, a travaillé avec la population pour obtenir l’accès à l’eau, contrôlé par les propriétaires des terrains. Du fait de leur pauvreté, ces personnes étaient dépendantes de l’accès à l’eau dans la mesure où elles gagnent leur vie en nettoyant les vêtements des autres. L’autorisation imprévisible de l’accès à l’eau par les propriétaires locaux rendait leurs vies stressantes. L’organisation de réunions et de visites à domicile a permis à ces individus d’exprimer leurs espoirs et leurs besoins, et de combler le vide qui existait entre eux et le reste de la communauté. Ce projet, qui a permis de fournir l’accès à l’eau, a conduit à la création d’un centre communautaire qui comprend une laverie, des toilettes et un espace de rassemblement pour la communauté.

Beaucoup d’autres histoires de réussite dans la création d’un contexte propice à la création de sociétés d’insertion ont été fournies dans le rapport final de cette recherche. Les programmes décrits comportent avant tout cinq caractéristiques essentielles : Ils sont utiles à la société au sens large autant qu’aux bénéficiaires directs ; ils sont fondés sur la communauté ; ils sont durables ; ils sont reproductibles et, enfin, ceux qui en bénéficient le plus directement sont entièrement impliqués dans la création, l’administration et l’évaluation du programme. Les sociétés d’inclusion sont possibles. Quand ces caractéristiques sont présentes, l’intégration et l’insertion sociales sont facilitées.

Conclusion

Nous, ONG, savons qu’il est urgent d’asseoir les principes d’une « société partagée pour tous » et d’établir des plans d’action qui encouragent l’entière participation de tous. Les deux crises les plus urgentes aujourd’hui, la crise économique et financière, et le changement climatique, montrent l’importance d’inciter toutes les personnes et tous les peuples à créer des sociétés plus équitables et un développement durable qui respecte l’humanité et la planète. Etablir des plans d’action qui soutiennent l’insertion sociale est essentiel pour la réalisation des deux autres valeurs essentielles exprimées pendant le Congrès Mondial sur le Développement Social à Copenhague (1995) à savoir l’éradication de la pauvreté, l’instauration du plein emploi et du travail décent pour tous. Ce sont ces trois valeurs qui permettront le renforcement de la capacité d’autogestion, basé sur l’équité et la justice sociale. 

Afin de vous aider dans la tâche importante de cette 48ème session de la Commission sur le Développement social, nous ajoutons ici tout d’abord une suggestion des politiques qui, selon nous, encourageraient l’insertion sociale ainsi que, en deuxième lieu, un bref résumé des résultats de l’étude que nous avons menée en préparation de cette réunion. Ce dernier indiquera où vous pouvez vous en procurer la version intégrale.

Nous comptons sur vous pour répondre à l’impératif moral actuel : Bâtir une Société pour Tous.


1Sommet mondial pour le développement social, 1995 ; Déclaration de Copenhague sur le développement social ; Partie C : Engagements
2
Nous préférerons l’expression « insertion sociale » à celle « d’intégration sociale ».
3
Réunion du groupe d’experts, Helsinki, 2008
4
Etude mondiale sur le rôle de la femme dans le développement, 2009 ; p.12

 

2 février 2010